Outil 2 du livre "Des Outils pour la GPI"de JL Brissard et M Polizzi aux éditions AFNOR Gestion 1990.

Outil : "ANALYSE DU BESOIN"


  1. Objectif
  2. Désignations similaires
  3. Origine
  4. Domaines et contraintes d'utilisation
  5. Méthodologie
  6. Applications
  7. Conclusion
  8. Pour aller plus loin

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1. OBJECTIF

Cet outil permet de définir fonctionnellement un besoin, un objectif ou encore un cahier des charges.

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2. DESIGNATIONS SIMILAIRES

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3. ORIGINE

Vers 1945, dans une entreprise américaine, Laurence D.Miles se vit donner comme ultimatum une réduction très importante des coûts d'un produit. Une simple amélioration des moyens de production ne pouvant suffire, il eut l'idée d'analyser le besoin que satisfaisait ce produit, ce qui l'entraîna à revoir la conception même du produit. Sa réussite démontra que son approche fonctionnelle était bonne : l'Analyse de la Valeur était née.
En France, c'est vers 1970 que les premiers cabinets conseils développèrent des méthodes fondées sur l'"analyse de la valeur". Depuis dix ans, l'Association Française de l'Analyse de la Valeur (AFAV) formalise la démarche et établit des normes. En 1990, on peut dire que l'A.V. a fait ses preuves dans le domaine de la conception où elle est devenue un outil très apprécié.
Parallèlement, Stafford Beer a montré dans les années soixante, la possibilité d'appliquer la démarche systémique aux problèmes industriels. Cette nouvelle approche a mis en évidence la nécessité de rechercher le besoin auquel répond le système étudié et l'importance de l'analyse de ses fonctions.

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4. DOMAINES ET CONTRAINTES D'UTILISATION

Attention : Ce chapitre vous propose un outil à la fois issue de l'approche systémique et de la démarche analyse de la valeur. Il ne s'agit en aucun cas d'un exposé complet sur l'analyse de la valeur.
Cet outil peut s'appliquer à tous les domaines de la production. Etant donné le temps qu'il faut pour mener à bien une analyse du besoin, il est préférable de l'utiliser quand les investissements en jeu sont importants. Voici l'allure des courbes d'investissement d'un projet, l'informatisation de la gestion d'un atelier par exemple :

On remarque que si l'argent n'est réellement dépensé que vers la fin du projet, il est déjà "investi" dès son début. En effet, le simple fait d'avoir l'idée d'informatiser la gestion de l'atelier engage déjà potentiellement une somme importante. C'est donc au départ qu'il faut faire l'analyse du besoin. Après, il est trop tard pour réellement revoir le projet afin d'en réduire le coût dans des proportions valables.
La principale contrainte d'utilisation est l'environnement dans lequel va se faire le travail : il faut que les hommes, dirigeants et ouvriers, s'engagent dans l'action, afin que les résultats puissent être appliqués. Cela acquis, il faut former un groupe de travail pluridisciplinaire qui sera dirigé par un animateur, connaissant bien l'outil et si possible indépendant de l'entreprise, ou du moins, du service. En effet, en analyse de la valeur, le travail en groupe est obligatoire et il est hors de question de faire "son" action AV tout seul dans son bureau.

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5. METHODOLOGIE

  1. Exprimer le besoin
  2. Répertorier les milieux extérieurs
  3. Rechercher les fonctions
  4. Dissocier les différentes séquences
  5. Valider et définir les fonctions
  6. Caractériser et hiérarchiser les fonctions

 

Comme cette méthodologie nécessite :

Ceci en fait un outil particulier puisque les résultats obtenus dans les exemples ne sont pas directement donnés par la méthodologie, mais par le groupe grâce à l'animateur et donc grâce à la méthodologie. En outre, de par la démarche, les résultats intermédiaires (étapes 1 à 5) ne peuvent être qu'approchés, seul le résultat final (étape 6) est "exact".
La façon dont l'animateur applique la démarche étant aussi importante que la démarche elle-même, afin que le lecteur non initié à l'animation de groupe comprenne mieux la difficulté d'obtenir des choses simples, voici un dialogue type entre l'animateur et le groupe :

Ce dialogue doit exister, même si l'animateur connaît le sujet de l'étude. Il doit en effet toujours rester neutre.

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6. APPLICATIONS

6.1 Exemple Analyse du besoin 1

Une société de sous-traitance en mécanique générale veut informatiser la gestion de son carnet de commandes et son suivi d'atelier . Le gérant peut y consacrer trois cent mille francs. L'entreprise travaille à 80% pour des prototypes automobiles et à 20% pour des prototypes aéronautiques. L'ensemble représente plus de 600 commandes par an. Une rapide prospection montre que les "GPAO MRP" (voir page 181 et 353) classiques ne permettent pas de travailler à la commande ou celles qui le permettent sont beaucoup trop chères. Le gérant décide donc de mener une étude préalable, afin de définir le cahier des charges de cette informatisation. Cette étude sera menée sous la conduite d'un intervenant extérieur connaissant la démarche AV et qui animera un petit groupe de travail représentant tous les services de l'entreprise.
Nous noterons "GPAO" (Gestion de Production Assistée par Ordinateur) l'objet de l'étude.

Etape 1: Exprimer le besoin¶

Comme le rappelle la systémique, un système n'existe que pour répondre à un besoin, un but, une cause première. La perception et la formalisation de cette utilité globale constitue la première étape de notre méthodologie. La chek-liste de questions ci-dessous va permettre au groupe de mieux exprimer le besoin. Elle est issue de la démarche qualité avec notamment la notion de client et de fournisseur et inclue le doute initial de la méthode de Descartes par la question Pourquoi (d) ?

Recherche du besoin

  1. Qui est le "client" que doit satisfaire l'objet de l'étude ?
  2. Qu'elles sont les consommables, les données du "fournisseur" ?
  3. Quel est le service à rendre ? (expression du besoin)
  4. Pourquoi ce besoin ? (épreuve du doute de Descartes)
  5. Quelles sont les non-qualités connues ?
  6. Quelle est la durée de vie probable de l'objet de l'étude ?

 

Les réponses à ces questions sont obtenues par une discussion au sein du groupe de travail. L'animateur inscrit les résultats au fur et à mesure sur un tableau visible de tous et non effaçable. Il aide également à relancer la réflexion en reformulant les idées émises.
Voici le compte rendu que l'on obtient pour notre exemple avec, entre parenthèses, le repère de la question traitée:
La GPAO doit rendre service aux agents du bureau des méthodes (a), qui, sur la base des temps d'usinage des pièces (b), doivent établir des DEVIS (c). Elle doit également rendre service au chef d'atelier (a) et au PDG (a) qui désirent connaître les charges horaires (c).
Dès le début de l'étude, on s'aperçoit qu'il y a deux besoins différents, celui du Bdm qui veut établir des devis, et celui du PDG (ou du chef d'atelier) qui désire connaître la charge des machines.
Afin de ne pas charger l'exposé, nous centrerons notre exemple sur le besoin en devis.

  1. Qui est le "client" que doit satisfaire l'objet de l'étude ?
    La GPAO doit rendre service aux agents du bureau des méthodes.
  2. Qu'elles sont les consommables, les données du "fournisseur" ?
    La base de données des temps d'usinage des pièces.
  3. Quel est le service à rendre ?
    Etablir des devis.
  4. Pourquoi ce besoin ?
    Quelques années auparavant, la société facturait les heures réellement effectuées. Maintenant, les clients demandent des devis.
  5. Quelles sont les non-qualités connues ?
    Actuellement tout fonctionne de mémoire d'homme et beaucoup de devis sont étudiés à nouveau, alors qu'il en existe certainement d'analogues dans les boîtes à fiches du Bdm.
  6. Quelle est la durée de vie probable de l'objet de l'étude ?
    Cette situation ne risque pas de disparaître, puisque la demande de devis se généralise chez tous les clients.

Le besoin est donc validé, et l'étude peut se poursuivre.

Etape 2 : Répertorier les milieux extérieurs¶

Ce sont les fonctions du système qui lui permettent de s'adapter au milieu environnant. La connaissance de celui-ci constitue la deuxième étape. Après réflexion et discussion du groupe, les éléments retenus sont les suivant :

Dans notre cas, un des milieux est le bureau des méthodes (puisque nous étudions le besoin en devis) et les autres milieux sont choisis par analogie avec les fichiers classiques en informatique (MRP notamment).

 Etape 3: Rechercher les fonctions

Les milieux extérieurs étant identifiés, le groupe essaie de définir les fonctions, les services que doit assurer la GPAO. On symbolise chaque fonction par une ligne qui relie les milieux concernés. Au fur et à mesure, l'animateur trace les fonctions au tableau et y porte un repère. La représentation graphique adoptée ci-dessus (la rosace) est celle recommandée par la norme X50-153 au paragraphe 5.2.2.1.
En parallèle, l'animateur établit la liste des définitions. A cette fin, il est conseillé d'utiliser la structure de phrase suivante :

Définition d'une fonction principale

L'[objet de l'étude] DOIT PERMETTRE AU [premier milieu extérieur] DE [verbe d'action] [deuxième milieu extérieur].

 

A cette étape, il ne faut surtout pas s'attarder à obtenir une définition rigoureuse de chaque fonction, c'est à l'étape 5 seulement qu'elle sera établie.
Voici les définitions initiales du groupe :

F1: La GPAO doit permettre au Bdm de valoriser la gamme

F2: La GPAO doit permettre au Bdm de retrouver une gamme

F3: La GPAO doit permettre au Bdm de connaître le suivi d'une commande

F4: La GPAO doit permettre au Bdm de faire éclater les nomenclatures (OA*)

F5: La GPAO doit permettre au Bdm de connaître le niveau des stocks (OA*)

F6: La GPAO doit permettre au Bdm d'évaluer les charges des commandes

*Pour la suite de l'exposé, on notera OA l'ordre d'approvisionnement et OF l'ordre de fabrication.

Etape 4: Dissocier les différentes séquences

Dans un problème complet, le nombre des fonctions peut augmenter très rapidement et le graphe devient vite un amas de traits illisibles. Avant d'aller plus loin dans la démarche, il faut donc clarifier le problème et, pour cela, le décomposer en séquences d'utilisation. Ainsi aurons-nous une suite de graphes plus simples à appréhender.
Le groupe connaissant parfaitement les différentes tâches de son travail (tous les services de l'entreprise étant représentés), la décomposition en séquences se fait rapidement.

  1. Séquence d'utilisation par le Bdm
  2. A. Faire un devis
    B.Prendre une commande
    C. Lancer une commande
    D. Consulter une commande en cours
    E. Mettre à jour les retours de sous-traitance
    F. Solder une commande
    G. Mettre à jour les stocks
  3. Séquence d'utilisation par le chef d'atelier
  4. A. Editer les fiches liées aux OF d'une commande
    B. Mettre à jour les temps des OF et la gamme
  5. Séquence d'utilisation par le commercial
  6. A. Visualiser la charge
    B. Editer les marges

    On peut remarquer qu'en n'abordant que la phase devis du Bdm, nous avons traité une des séquences sans le vouloir : la première.

    Il y a généralement deux séquences qui sont oubliées, d'une part, celle de maintenance (IV) et d'autre part, celle d'extinction (V) :

  7. Séquence de maintenance du matériel
  8. Séquence de changement de matériel

Ces deux dernières séquences ne rendent pas service à une personne particulière, dans l'entreprise de notre exemple, mais sont vitales pour le bon fonctionnement. On dit alors qu'elles génèrent des contraintes. Le groupe découvre trois contraintes découlant des séquences IV et V :

F12 : La GPAO doit pouvoir fonctionner en régime dégradé (micro pannes)
F13 : La GPAO doit assurer la sécurité des données
F14 : La GPAO doit pouvoir communiquer ses données à un autre système

Le graphe complet comporte quatorze fonctions qui peuvent être décomposées en cinq séquences . La recherche des séquences amène donc une simplification, tout en aidant à structurer le problème. Il peut sembler préférable d'intervertir l'étape 3 : "rechercher les fonctions" et l'étape 4 : "dissocier les différentes séquences", afin de clarifier dès le départ le problème. Ce serait méconnaître la nature humaine dont le potentiel créatif est rapidement réduit à zéro si on lui impose des limites : ici une structure en séquences. L'animateur doit donc ne faire intervenir cette étape 4 que lorsque le groupe est essoufflé dans la recherche des fonctions.

Etape 5 : Valider et définir les fonctions

C'est Descartes, qui le premier formalisa cette notion de validation et en a fait le premier point de sa méthode : " ne recevoir jamais aucune chose pour vraie ... ". La question type que nous utiliserons est le fameux "POUR QUOI ... oui et POURQUOI ... ?" des psychologues. Il est possible qu'au cours de cette étape, des fonctions soient éliminées, certaines modifiées, et d'autres découvertes. Finalement on peut dire que c'est à ce moment-là que le groupe va prendre conscience du "vrai" besoin.

Voici le questionnaire de base pour la validation :

Contrôle de validité des fonctions

Pour chaque fonction :

  1. Pour quoi cette fonction ? (but)
  2. Pourquoi ce pour quoi ? (cause du but)
  3. Quelles sont les non-qualités connues ?

 

C'est donc une démarche centrée systématiquement sur les fonctions. Si le groupe n'est pas composé que de spécialistes, son travail sera très efficace; en effet, les personnes qui sont totalement plongées dans "leur" fonction ont beaucoup de mal à sentir et à admettre l'inutilité de celle-ci. Aussi le savoir-faire de l'animateur joue-t-il ici un rôle décisif.

FONCTION F1
L'animateur applique cette liste de questions pour F1 et obtient :

  1. Pour quoi cette fonction ?
    Afin de chiffrer, valoriser une gamme pour en obtenir le coût de revient.
  2. Pourquoi ce pour quoi ?
    Le coût de revient permet d'établir le devis.
  3. Quelles sont les non-qualités connues ?
    Aucune, le coût étant directement fonction des temps de la gamme.

Toutes ces réponses -du groupe- sont ensuite regroupées dans un compte rendu que rédige l'animateur après la séance :

La méthode consiste à donner le maximum de renseignements sur le verbe d'action et les milieux extérieurs, de façon à lever toutes les ambiguïtés et à formuler tous les non-dit de la définition initiale.
Si le groupe en éprouve le besoin, il est possible de compléter ou de modifier le libellé de la fonction : on obtient alors le libellé validé. Toutefois, il faut se souvenir qu'une personne extérieure au groupe de travail désirant connaître les fonctions, ne devra jamais se contenter du libellé, mais devra lire également les définitions, afin de bien cerner le contexte.

FONCTION F2
Continuons maintenant avec le compte rendu du travail sur la fonction F2 :

Cette fonction est particulièrement intéressante parce qu'elle va faire découvrir de nouvelles fonctions de contraintes. En effet, on remarque qu'il faut pouvoir retrouver une gamme de trois manières différentes. Le Bdm ne veut surtout pas recoder les commandes, les plans et les pièces, il désire garder la codification du client. Voici les trois fonctions de contraintes découvertes à cette étape :

F15: La GPAO doit permettre l'utilisation des numéros de commande client
F16: La GPAO doit permettre l'utilisation des numéros de plan client
F17: La GPAO doit permettre l'utilisation de noms de famille pour les pièces

AUTRES FONCTIONS
Ce travail systématique se poursuit pour toutes les fonctions, y compris les fonctions de contraintes que le groupe a ajoutées.

Etape 6 : Caractériser et hiérarchiser les fonctions

CARACTERISER
Il faut maintenant donner des critères d'appréciation (ou critères de valeur) à chaque fonction, afin de pouvoir définir si la GPAO satisfera ou non le besoin. A cette étape, c'est souvent l'utilisateur de la fonction qui prend la parole pour présenter ses critères. L'animateur doit alors encourager le groupe à "vérifier", à valider ces données de base, tout en veillant à ce que la discussion ne tourne pas en débat de spécialistes. Il faut insister sur le fait que l'on a défini des fonctions et non des solutions.
Avant de donner des exemples de comptes rendus de caractérisation, rappelons les définitions normalisées des termes employés:

Norme X 50-150

Critère d'appréciation :
Critère retenu pour apprécier la manière dont une fonction est remplie ou une contrainte respectée.

Niveau d'un critère d'appréciation :
Niveau repéré dans l'échelle adoptée pour un critère d'appréciation d'une fonction. Ce niveau peut être celui recherché en tant qu'objectif ou celui atteint pour une solution proposée.

Flexibilité :
Ensemble d'indications exprimées par le demandeur sur les possibilités de moduler un niveau recherché pour un critère d'appréciation .

 

"La flexibilité est une des caractéristiques fondamentales du cahier des charges fonctionnel. C'est elle qui permet d'organiser le dialogue entre partenaires dans la recherche d'une véritable optimisation. ...(Elle) peut s'exprimer quantitativement sous forme de limites d'acceptation et de taux d'échange, ou au moins qualitativement par des classes de latitude autorisée." (extrait de la norme indiquée ci-dessus).
Ainsi pour F1 (la GPAO doit permettre au Bdm de valoriser la gamme prévue ou réelle), l'animateur obtient

Il est possible d'avoir plusieurs critères pour une même fonction, comme nous allons le voir pour F2 (la GPAO doit permettre au Bdm de retrouver une gamme).

  • Critère 1: Capacité de stockage
    Niveau: 10 ans
    Flexibilité: ± 5 ans

    Critère 2: Temps d'accès à la gamme
    Niveau: 15 minutes
    Flexibilité: 1 heure au maximum, si elle est dans les archives

    Critère 3: Nombre de manipulations
    Niveau: le minimum sur l'exercice en cours (les 60 derniers jours)
    Flexibilité: fonction de l'ergonomie de la GPAO

  • De la même façon, il faut définir les autres fonctions, en ayant bien à l'esprit qu'il s'agit des critères qui permettront de tester la GPAO. Pour les contraintes :

    HIERARCHISER
    La caractérisation étant finie, le groupe connaît les fonctions principales d'une façon très pointue, et l'animateur en profite pour demander aux participants de les hiérarchiser suivant leur importance budgétaire.
    Il faut d'abord classer les fonctions avec l'outil "Méthode des Potentiels" par exemple (voir page 121), puis leur donner une valeur relative par consensus du groupe. La hiérarchie obtenue pour l'exemple est :

    F1, F2, F3, F6, F7, F8&F9, F4, F5&F11, F10

    L'animateur utilise ensuite une représentation graphique (les barres par exemple), pour visualiser l'importance relative des fonctions :

     L'animateur doit insister sur le fait que ce travail doit se faire en fonction de toutes les étapes précédentes et non en fonction d'aspirations personnelles. Quand la représentation du tableau convient au groupe, on mesure la hauteur de chaque colonne qui est proportionnelle à la valeur de la fonction. Il est ainsi possible de ramener cette valeur au coût prévisible de la GPAO.
    Voici le tableau des résultats déduits de notre graphique. On retrouve le repère de la fonction , puis la hauteur (en centimètres) relevée sur le tableau, le pourcentage de chaque fonction par rapport à la somme des fonctions, et enfin la valeur ramenée aux 100 KF (valeur moyenne du marché en 1988) du coût du logiciel (1/3 du coût total de la GPAO).

    Fct

    Hauteur en cm

    %

    Valeur "logiciel"
    en KiloFrancs

    F1

    52

    18

    18 KF

    F2

    46

    16

    16 KF

    F3

    41

    14

    14 KF

    F6

    29

    10

    10 KF

    F7

    25

    9

    9 KF

    F8

    20

    7

    7 KF

    F9

    20

    7

    7 KF

    F4

    18

    6

    6 KF

    F5

    15

    5

    5 KF

    F11

    15

    5

    5 KF

    F10

    9

    3

    3 KF

    -

    -

    S

    100 KF

     

    Le groupe est arrivé au terme de son étude. Nous avons maintenant en notre possession un cahier des charges complet :

    Il ne reste plus qu'à lancer un appel d'offre et analyser les réponses. En 1988, la majorité des petites GPAO ne satisfont pas aux fonctions comme :
    F2 : la GPAO doit permettre au Bdm de retrouver une gamme (sur 10 ans d'archives),
    F14 : la GPAO doit pouvoir communiquer ses données à un autre système,
    F15 : la GPAO doit permettre l'utilisation des numéros de commande client; et elles sont à la limite d'acceptation pour :
    F3 : la GPAO doit permettre au Bdm de connaître le suivi d'une commande

    Quelques GPAO ont satisfait au cahier des charges et une visite sur site a permis de les départager. Les quelques dizaines d'heures passées à cette analyse sont donc plus que rentabilisées par rapport aux 300 KF d'investissement initial et, surtout, par rapport aux déboires essuyés dans le cas d'achat d'une GPAO mal ciblée.

    6.2. Exemple Analyse du besoin 2

    Une entreprise désire analyser l'organisation des postes de production, afin d'augmenter les temps productifs. Le gérant demande à un intervenant extérieur spécialiste de l'A.V. d'animer le groupe de travail.
    Nous noterons "OST du poste" l'objet de l'étude ( pour Organisation Scientifique du Travail du poste).
    Ce deuxième exemple est axé sur l'analyse d'un processus. La méthodologie ayant été complètement décrite pour le premier exemple, nous resterons au niveau de la démarche et ne donnerons que des extraits des résultats. Nous rappelons au lecteur qu'une analyse du besoin doit se faire avec un groupe de personnes. Dans l'exposé, il ne faut donc jamais confondre la méthodologie et les résultats qu'elle a permis d'obtenir sur un thème particulier et avec un groupe donné.

    Etape 1 : Exprimer le besoin

    L'animateur, par le jeu des questions relatives à la recherche du besoin, permet au groupe pluridisciplinaire de définir le besoin et de le valider. A la suite de la réunion de travail, l'animateur rédige un compte rendu qu'il fait parvenir à tous les membres du groupe, afin qu'ils puissent y réfléchir pour la réunion suivante.
    Voici donc ce compte rendu avec en entête, le repère de la question traitée (voir encadré "Recherche du besoin") :

    1. Qui est le "client" que doit satisfaire l'objet de l'étude ?
      L'OST des postes rend service au responsable de la planification.
    2. Qu'elles sont les consommables, les données du "fournisseur" ?
      Tous les éléments du poste, mais ne doit pas modifier le processus.
    3. Quel est le service à rendre ?
      Réduire les temps non-productifs.
    4. Pourquoi ce besoin ?
      Ce gain de temps augmentera les capacités de production et facilitera la planification en général.
    5. Quelles sont les non-qualités connues ?
      Actuellement, le rendement horaire des postes est de 60% seulement (rapport du temps de production de pièces sur le temps d'ouverture).
    6. Quelle est la durée de vie probable de l'objet de l'étude ?
      Les quantités commandées ont tendance à devenir de plus en plus petites. Il ne sera bientôt plus possible d'amortir les temps non-productifs (le réglage par exemple) sur la quantité lancée.

    Le besoin étant stable dans le temps, il est donc validé.

    Etape 2 : Répertorier les milieux extérieurs

    Le groupe obtient la liste complète des milieux en analysant à qui l'OST du poste rend service et sur quoi (sur qui) elle agit:

    Etape 3 : Rechercher les fonctions

    Avant de tracer la rosace, l'animateur va symboliser, sous forme de graphique, les milieux extérieurs que le groupe analysera, afin de déterminer les fonctions. Elles seront repérées sur le graphique, tandis qu'en parallèle seront également notées les définitions données par le groupe. Voici un extrait des fonctions relatives à notre exemple :

    L'OST du poste doit permettre :

    On peut remarquer qu'il est possible que certaines fonctions relient plus de deux milieux extérieurs (F5 par exemple). Ceci est tout à fait admis.
    Le nombre de fonctions étant très élevé, près de quarante en tout, il est intéressant de découper l'étude, de la hiérarchiser, en mettant en avant les différentes séquences d'utilisation.

    Etape 4 : Dissocier les différentes séquences

    L'analyse des séquences ou cycles de vie se fait généralement très facilement, puisque le groupe a déjà travaillé plusieurs heures sur l'analyse du besoin. Cette étape permet de mettre de l'ordre, de structurer le fruit de l'étude. L'animateur doit donc veiller à ce que le groupe n'entre pas trop dans les détails, il ne s'agit pas de disséquer, mais de synthétiser.
    Les différentes séquences définies par le groupe de travail pour un poste de production sont :

    1. Réglage
    2. Transit du conteneur
    3. Montage
    4. Processus
    5. Démontage
    6. Contrôle
    7. Maintenance
    8. Extinction (RAZ du poste)

    La suite de l'étude va donc pouvoir être étalée dans le temps, en petites séances au cours desquelles on analysera une ou deux séquences. Arrivé à ce stade, il est souhaitable que chaque participant reparte avec une séquence à préparer.

    Etape 5 :Valider et définir les fonctions

    VALIDER
    Le contrôle de validité s'effectue comme nous l'avons vu au premier exemple. Prenons la fonction F5 de la séquence I. (l'OST du poste doit permettre au régleur de positionner l'outil par rapport au montage et à la pièce) :

    1. Pour quoi cette fonction ?
      L'OST du poste doit permettre au régleur de positionner l'outil par rapport au montage et à la pièce, pour obtenir des pièces bonnes.
    2. Pourquoi ce pour quoi ?
      et ce, parce que l'outil peut être décalé par rapport au montage.

    Nous pouvons remarquer que la pièce est citée en réponse à la question a et ne l'est plus pour la question b. Après recherche d'informations et discussion avec un régleur, il s'avère que la pièce n'a pas besoin d'être présente sur le poste pour la séquence de réglage et ce, même pour les processus d'usinage (contrairement aux habitudes du personnel d'atelier). Donc la fonction n'est pas validée.
    Il suffit de supprimer le mot pièce pour obtenir la nouvelle fonction : F5': l'OST du poste doit permettre au régleur de positionner l'outil par rapport au montage.

    L'OST du poste doit permettre au régleur de positionner l'outil par rapport au montage pour obtenir des pièces bonnes (a), car l'outil peut être décalé par rapport au montage (b). Ce réglage peut prendre beaucoup de temps et dépend du précédent (c). Il semble impossible de le supprimer, aussi la fonction est-elle validée.

    DEFINIR

    Ce travail systématique doit se faire sur toutes les fonctions de toutes les séquences. Afin de ne pas émousser le sens critique du groupe, les séances de travail doivent être suffisamment courtes et espacées (2, 3, ou 4 séances de 3 ou 4h par semaine par exemple).

    Etape 6 : Caractériser et hiérarchiser les fonctions

    CARACTERISER
    Dans une analyse du besoin "Process", la caractérisation est plus facile, plus standard. En effet, plutôt que de rechercher les critères d'appréciation de chaque fonction, comme nous l'avons fait dans le premier exemple, nous utiliserons toujours le même "état". On en distingue deux types :

    AV Process : On caractérise une fonction, une séquence par son état: stable ou fugace

    Les définitions du niveau et de la flexibilité deviennent inutiles, puisque l'état stable a déjà été caractérisé par un cahier des charges (la gamme du processus de la pièce dans notre cas) et que l'état fugace est par essence "inutile". La caractérisation consiste donc, pour chaque séquence, à établir la liste des fonctions avec, en regard, son état (comme on le fait également en "Analyse de déroulement", voir page 75).

    Le groupe obtient :

    Séquence

    Repère de la fonction

    Etat

    I. Réglage
    ...

    F5
    ....

    Fugace

    III. Montage

    F17
    F9
    ....

    Fugace
    Fugace

    IV. Processus

    F1
    ....

    Stable

    V. Démontage

    F10
    ....

    Fugace

    VI. Contrôle
    ...

    F11
    ...

    Fugace

     

    La lecture de ce tableau appelle plusieurs remarques :

    HIERARCHISER
    Au vu du tableau précédent, il serait inefficace de hiérarchiser, puis de valoriser les fonctions sur le critère de l'"état". La solution consiste à analyser globalement les fonctions au travers des séquences, dans un premier temps, puis de "faire la chasse" aux états fugaces.

    AV Process : Le but de la hiérarchisation est de "faire la chasse" aux "états fugaces", en fonction de leur coût relatif et de leur potentiel de réduction.
    Pour déterminer l'importance budgétaire de chaque séquence, le groupe doit calculer la "valeur", le coût de chacune d'elle. Il l'obtient en multipliant le temps par la fréquence et par le taux horaire :

    AV Process : Valeur = Temps ´ Fréquence ´ Taux

    Cette démarche peut être synthétisée sous la forme d'un tableau qui permettra à l'animateur de dessiner le graphe des séquences hiérarchisées suivant un critère budgétaire :

    Repère
    séquence

    Désignation

    Temps en minutes Fréquence par jour Taux en F/min Valeur en F
    I Réglage 60 1 8 480
    II Transit 5 8 2 80
    III Montage 0.2 1 000 8 1 600
    IV Processus 1.5 1 000 8 12 000
    V Démontage 0.2 1 000 8 1 600
    VI Contrôle 0.5 1 00 4 200
    VII Maintenance 180 0.1 8 144
    VIII Extinction 30 1 8 240

     

    C'est donc la séquence "IV.Processus" qui est la plus importante avec près de 75% de la valeur (ce qui est souvent le cas pour les entreprises dont la production s'exprime en milliers de pièces par jour). Les autres séquences (entièrement fugaces) se répartissent de la façon suivante :

     

    L'analyse du besoin est terminée. Le groupe a déterminé les séquences d'utilisation du poste où l'argent était potentiellement à gagner. La séquence "stable" IV (Processus) a le coût le plus important, mais pour le réduire, il faut généralement faire une analyse de la valeur de l'article (AV conception).
    Quant aux séquences fugaces III, V, et I, diminuer leurs coûts est possible en réduisant leur temps, mais, surtout en changeant leur taux horaire. L'idée principale est de déplacer hors site les séquences fugaces (à 4F/min ou 2F/min) et de ne garder sur site (8F/min) que le minimum. La recherche des solutions ne faisant pas partie de l'analyse du besoin, nous conseillons au lecteur intéressé par celles-ci de se reporter aux ouvrages traitant du SMED (Single Minute Edge Digit ou changement de série en moins de dix minutes) référencés en fin de chapitre et aux clefs page 293.
    Avant de conclure, nous pouvons remarquer, à posteriori, que le choix de : "OST du poste" pour désigner l'objet de l'étude était peut-être trop axé sur les "SOLUTIONS" et pas assez sur les "FONCTIONS". Pour cette raison, de nombreux animateurs préfèrent utiliser le mot "TRUC" comme terme générique.

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    7. CONCLUSION

    L'étude de ces deux exemples nous a montré que l'analyse du besoin en terme de fonctionnalité était un outil très général qui nécessitait à la fois un groupe motivé et un animateur. Ce dernier joue un rôle important et doit connaître convenablement l'outil; pour les autres membres du groupe, une simple sensibilisation suffit.
    Tout au début du chapitre, nous vous proposions un graphe montrant l'évolution des investissements tout au long d'un projet. Voici comment l'utilisation de l'outil "Analyse du besoin" fait évoluer les courbes :

    Comme l'action "analyse du besoin" nécessite des dépenses (rémunération de l'animateur et perte de demi-journées de travail pour les personnes constituant le groupe), le début du projet coûte beaucoup plus cher, mais tant que l'analyse du besoin n'est pas finie, pas un seul centime n'est potentiellement engagé. Ensuite une différenciation naturelle se produit du fait que la décision précède l'action.
    En analyse du besoin, les gains sont souvent proportionnels aux enjeux économiques. Ils peuvent être spectaculaires, puisque, si le besoin n'est pas validé, l'économie est de plus de 90% ! En revanche, le coût de l'étude peut s'avérer trop important pour de petites sociétés; la solution consiste alors à partager l'étude (et les frais) avec d'autres entreprises qui connaissent le même problème. Ainsi les deux exemples que nous avons traités peuvent-ils facilement être transférés sur d'autres PMI. Evidemment, dans ce cas précis, l'ambiance doit être plus au partenariat qu'à la méfiance ...

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    8. POUR ALLER PLUS LOIN

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    SH & MP le 03/09/99