Outil 5 du livre "Des Outils pour la GPI" de JL Brissard et M Polizzi aux éditions AFNOR Gestion 1990.

Outil : "Décision"


  1. Objectif
  2. Désignations similaires
  3. Origine
  4. Domaines et contraintes d'utilisation
  5. Méthodologie
  6. Applications
  7. Conclusion
  8. Pour aller plus loin

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1. OBJECTIF

L'objectif de cet outil est d'aider à la prise de décision à partir de critères qualitatifs, tout en confectionnant un document ré exploitable.

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2. DESIGNATIONS SIMILAIRES

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3. ORIGINE

C'est à la recherche opérationnelle que l'on doit, dans les années soixante, les premières formalisations des prises de décision. Depuis, de nombreux chercheurs ont mis au point de nouvelles méthodes d'interprétation (Savage, Hurwicz, ...). C'est depuis peu que l'usage de cet outil s'est développé, notamment dans les groupes de travail tels que groupe productique, cercle de qualité, et groupe d'analyse de la valeur.
Avec l'arrivée de nouveaux moyens d'archivage informatique (vidéodisque par exemple), les entreprises vont pouvoir stocker leur savoir-faire. Mais la saisie n'est possible que s'il subsiste une trace écrite. La formalisation des prises de décision par écrit constitue donc une étape importante de l'informatisation des connaissances.

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4. DOMAINES ET CONTRAINTES D'UTILISATION

Cet outil est plus particulièrement adapté pour départager plusieurs solutions connues en fonction, soit de critères qualitatifs, soit de la probabilité de certains événements. Ainsi peut-il permettre de choisir un montage d'usinage, une implantation de machines-outils, une stratégie de stockage ou de gestion en fonction de critères technologiques, économiques, stratégiques, ou statistiques.
Si le problème peut être mis en équation, on préférera l'outil "SEUIL" (page 53) ou la méthode "SIMPLEXE" (page 319).

 "Décision" n'est pas un outil "miracle", mais plutôt une formalisation écrite, aidant à la prise de décision du gestionnaire, tout en formant une base de connaissances que l'on pourra consulter.

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5. METHODOLOGIE

  1. Recenser les solutions et les critères
  2. Préparer le tableau
  3. Pondérer les critères
  4. Valoriser les couples
  5. Calculer le tableau
  6. Interpréter les résultats

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6. APPLICATIONS

6.1 Exemple DECISION 1
Une petite société de sous-traitance en mécanique veut acheter un centre d'usinage, afin de remplacer une vieille fraiseuse numérisée. 

Etape 1 : Recenser les solutions et les critères

Après un appel d'offre, trois propositions semblent convenir :

Le décideur établit alors la liste des critères mentionnés dans le cahier des charges en vue de l'appel d'offre:

Etape 2 : Préparer le tableau
Il suffit de tracer un tableau dont les lignes représentent les solutions et les colonnes les critères. Les cases ainsi créées seront remplies au fur et à mesure de la démarche: 

-

C1

C2

C3

C4

C5

     

S1

               

S2

               

S3

               
                 

Au tableau principal de trois lignes et cinq colonnes, il faut ajouter une ligne pour pouvoir inscrire les coefficients d'importance et deux colonnes pour les résultats. Ce tracé est simplifié par l'utilisation de la trame type présentée page 337. 

Etape 3 : Pondérer les critères
Pour pondérer les critères, plutôt que de donner directement un coefficient, il faut commencer par les classer par ordre d'importance décroissante, en utilisant l'outil MP si besoin (page 121).

Pour notre exemple, le décideur choisit :
1°) C5,
2°) C1,
3°) C2, C3, et C4

On peut maintenant attribuer les coefficients d'importance "k" et les reporter sur la dernière ligne du tableau :

-

C1

C2

C3

C4

C5

     
                 

k

2

1

1

1

3

     

L'échelle d'importance des coefficients est laissée à l'appréciation du décideur (1, ½, ½, ½, 3 eût été possible). Il est bien évident que ces valeurs sont très subjectives. Mais le sont-elles moins dans l'esprit du décideur ? Certes non, et c'est ici un point clef de l'outil : l'utilisateur, sachant que son document pourra être relu pour vérification ou analyse, prend mieux conscience de la subjectivité de sa décision.
Cette remise en question implique des conséquences très variées qui ne doivent pas être négligées, si l'on impose l'outil dans le but d'une informatisation.

Etape 4 : Valoriser les couples
Avant de valoriser les couples, il est préférable de préparer un tableau contenant les données objectives que l'on possède:

-

C1

C2

C3

C4

C5

S1

1000KF

4 ½

arrêtée

0,5

bonne

S2

700 KF

4

arrêtée

0,4

bonne

S3

850 KF

4 ½

en cycle

0,4

très bonne

A partir de ce tableau, on attribue une note (n) pour chaque couple solution / critère. Ici la notation choisie s'échelonne de 1 à 10, la note de 5 correspondant à une caractéristique acceptable :

-

C1

C2

C3

C4

C5

     

S1

6

8

4

8

6

     

S2

10

6

4

6

6

     

S3

8

8

10

6

8

     

k

2

1

1

1

3

     

Voici les principales consignes à suivre pour établir la notation :

Etape 5 : Calculer le tableau
Avec les notations:

Pour chaque solution, faire la somme pondérée des notes. Ti = S kj nij

Cette formule nous permet de remplir la rubrique "Total". Pour la deuxième colonne notée "mini", il suffit de reporter la note minimum de la ligne.
Faisons les calculs pour l'exemple :

-

C1

C2

C3

C4

C5

 

Total

Mini

S1

6

8

4

8

6

 

50

4

S2

10

6

4

6

6

 

54

4

S3

8

8

10

6

8

 

64

6

k

2

1

1

1

3

     

Décomposons pour S1 :

(2´ 6) + (1´ 8) + (1´ 4) + (1´ 8) + (3´ 6) = 50
Mini (6, 8, 4, 8, 6) = 4

Etape 6 : Interpréter les résultats
Pour interpréter les résultats de ce tableau, il faut se fixer un ou des critères de décision, à ne pas confondre avec ceux qui sont liés au problème.
Nous en utiliserons deux complémentaires :

  •  le critère "d'avidité" pour lequel c'est la solution qui obtient le total le plus fort qui est la meilleure,

     le critère "du pessimiste" pour lequel c'est la solution qui offre la note la plus haute parmi les notes minimales qui est choisie (MAX-min ou maximum des minimums).

  • Nous utiliserons le critère d'avidité en vérifiant que la note minimale soit acceptable.

    Pour notre application, le décideur n'aura pas de difficultés, puisque S3 donne le plus fort total (64) et la meilleure note mini (6 coef. 1). C'est donc la solution S3 qui représente le "bon" choix, compte tenu des critères adoptés.
    Il est bien évident que si le résultat final choque le décideur, celui-ci aura tendance à revenir sur certaines notes ou certains coefficients. Cela n'a aucune importance, ce qui compte, c'est que le document final soit le reflet le plus exact possible de la décision, afin d'être un bon document d'archives. Il pourra ainsi être repris plus tard, pour de multiples raisons :

    Malgré tout, la modification des notes ou des coefficients après avoir eu connaissance du résultat prouve une instabilité dans la démarche du décideur. En effet, la décomposition du problème augmente la fiabilité du résultat, comme un calcul statistique permet de le mettre en évidence.
    Nous conseillons au lecteur non rompu aux calculs statistiques de se reporter au chapitre "Statistiques" page311 avant d'aborder cette démonstration :

    Le décideur étant de bonne foi, il attribue des notes à plus ou moins un point près, de façon statistiquement équiprobable, soit un écart type s n de 0,5. En appliquant le théorème de la limite centrale

    VT = S Vn = S (ks n)² =s n² S

    on obtient la variance sur le total (VT) :

    VT = 0,5² ´ (2² + 1² + 1² + 1² + 3²) = 4 = s T²

    En conséquence, le total suit une loi normale d'écart type : Ö 4 = 2.

    Aussi notre résultat est-il précis à ±4 points avec un risque de 5%, ce qui est acceptable sur un total de plus de soixante points.

    Si l'on veut comparer les totaux entre eux, il ne faut pas faire : pour S2 : 54+4=58 pour S3 : 64-4=60 car l'on a supposé le décideur honnête. Comme il a suivi la consigne d'homogénéité des notes, celles-ci ne sont pas indépendantes, mais doivent varier ensemble.

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    6.2 Exemple DECISION 2
    Une PME vit essentiellement de sous-traitance de prototypes automobiles. Elle est amenée chaque jour à concevoir, en moyenne, un montage d'usinage qui est actuellement élaboré à partir soit de bâtis mécano soudés, soit de corps "moulés au polystyrène". Avant de s'engager dans le montage modulaire, le responsable technique veut peser le pour et le contre.

    Etape 1 : Recenser les solutions et les critères
    Avec l'assistance du chef d'atelier, il établit la liste des critères d'utilisation, c'est-à-dire les fonctions particulières que doivent remplir les montages. Il obtient le récapitulatif suivant :

    Repère

    Désignation des solutions

    -

    Repère

    Désignation des critères

    S1

    S2

    S3

    Montage à partir d'un bâti mécano soudé
    Montage à partir d'un corps
    moulé au polystyrène
    Montage à partir d'éléments modulaires
    -

    C1
    C2

    C3
    C4
    C5

    Absorption des vibrations
    Résistance à de gros efforts
    Investissement négligeable
    Délai d'obtention court
    Ergonomie du serrage

    Etape 2 : Préparer le tableau
    Le nombre de solutions et de critères étant compatible avec la trame type, c'est cette dernière que nous utiliserons.

    Etape 3 : Pondérer les critères
    Le coefficient de pondération des critères représente le pourcentage d'apparition de ce critère sur les montages. Sur 204 montages réalisés ces dix derniers mois :

    Un simple calcul de pourcentage nous permet d'obtenir les coefficients d'importance de chaque critère. Par exemple :

    k (C1) = (10/204) ´ 100 = 5%

     Ce qui nous donne les coefficients suivants:

    -

    C1

    C2

    C3

    C4

    C5

     

    Total

    Mini

                     

    k

    5%

    50%

    80%

    30%

    5%

         

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    Etape 4 : Valoriser les couples
    Dans un premier temps, le technicien indique les points clefs de son raisonnement :

    -

    C1

    C2

    C3

    C4

    C5

    S1

    monobloc soudé

    sur place

     

    S2

    fonte

     

    sous-traité

     

    S3

       

    cher

     

    nb serr.

    et en déduit une notation (ici sur 5):

    -

    C1

    C2

    C3

    C4

    C5

         

    S1

    3

    4

    2

    2

    4

         

    S2

    5

    3

    3

    3

    4

         

    S3

    2

    3

    2

    5

    3

         

    k

    0,05

    0,50

    0,80

    0,30

    0,05

         

    Etape 5 : Calculer le tableau
    Nous connaissons maintenant les différentes valeurs -ici des notes sur cinq-, et les différents coefficients -ici des pourcentages d'apparition-. Nous pouvons alors effectuer les calculs.

    -

    C1

    C2

    C3

    C4

    C5

     

    Total

    Mini

    S1

    3

    4

    2

    2

    4

     

    4,55

    2

    S2

    5

    3

    3

    3

    4

     

    5,25

    3

    S3

    2

    3

    2

    5

    3

     

    4,85

    2

    k

    0,05

    0,50

    0,80

    0,30

    0,05

     

    Avidité

    Pessimiste

    Décomposons pour S2:
    (0,05 ´ 5) + (0,50 ´ 3) + (0,80 ´ 3) + (0,30 ´ 3) + (0,05 ´ 4) = 5,25
    min(5, 3, 3, 3, 4) = 3
     Il n'y a d'ailleurs aucune différence de calcul avec l'exemple précédent où k était, pourtant, de nature différente.
    La colonne "total" est donc le produit du tableau des notes par le tableau des coefficients (voir à ce sujet le chapitre "Matrices" page 303).

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    Etape 6 : Interpréter les résultats
    Il est intéressant de déterminer le maximum pratique du tableau. Ceci nous aidera, avec le calcul d'erreur, à situer les résultats.

    Le maximum pratique s'obtient en choisissant pour chaque critère la note la plus élevée
    et en faisant la somme pondérée de ces notes.

     En appliquant cet algorithme à notre exemple, nous obtenons :

    0,05 ´ 5 + 0,50 ´ 4 + 0,80 ´ 3 + 0,30 ´ 5 + 0,05 ´ 4

    soit 6,35 pour le maximum pratique.
    La solution S2 obtient le meilleur total avec 5,25 sur 6,35. C'est également cette solution qui obtient la note mini-maximum. Le calcul d'erreur nous donne une incertitude de plus ou moins un point ( avec s n=2/4 ).
    L'ensemble de ces résultats étant assez groupé, le technicien préfère soumettre son tableau de décision à un collègue ayant une expérience en modulaire. Après analyse du document, c'est la note de 2/5 pour le critère C3 qui l'intrigue le plus. En effet, le modulaire est cher à l'achat, mais étant recyclable, il peut être très compétitif. Au terme de l'analyse des montages couramment réalisés à l'atelier, il s'avère qu'un recyclage à plus de 90% est possible. La nouvelle note attribuée est donc de 4/5.
    On obtient alors :

    -

    C3

    -

    Total

    Mini

    S1

    2

    -

    4,55

    2

    S2

    3

    -

    5,25

    3

    S3

    4

    -

    6,45

    2

    S4

    0,80

    -

    Avidité

    Pessimiste

    et la meilleure solution selon le critère d'avidité devient S3, avec toutefois un point faible pour C1 : une note de 2 probable à 5%

    On sent ici que la "bonne" solution n'est pas évidente. Pour réellement bien décider à court terme, il faudrait peut-être faire intervenir un nouveau critère qui tiendrait compte de la stratégie à long terme. Cette dernière peut être pour l'entreprise :

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    7. CONCLUSION
    Tout au long de ce chapitre, nous avons vu comment utiliser le tableau de décision. Les valeurs du tableau ont toujours été des notes, mais il est possible d'y mettre autre chose, des francs, par exemple. Le principal est d'avoir la même "unité" pour toutes les valeurs.
    Si, dans le premier exemple, le choix final n'a pas posé de problème, inversement, nous avons pu constater qu'il n'était pas très évident dans le deuxième. Pour lever les ambiguïtés, il a suffi de vérifier la cohérence de la décision avec les objectifs à long terme. Si l'enjeu est important, le travail de groupe sur la table de décision s'impose : une analyse de la valeur pour définir clairement les objectifs et les critères peut être également nécessaire.
    Plutôt que d'utiliser cet outil, il peut sembler plus simple d'organiser une réunion autour du problème, puis de recourir au vote. Mais attention, le vote n'est pas une solution miracle et nous renvoyons, à ce sujet, le lecteur au paradoxe de Condorcet 1.
    Cet outil s'affirme comme une aide à la décision, et bien que la part de "feeling" du décideur ne soit pas supprimée, elle est rendue analysable. Le développement actuel des systèmes expert et plus particulièrement des S.I.A.D.(système informatique d'aide à la décision) est surtout ralenti par l'absence de ce type de méthodologie dans les différents services. Son utilisation est donc un premier pas vers les méthodes de travail de l'an 2000.

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    8. POUR ALLER PLUS LOIN


    1 Paradoxe de Condorcet :
    Soit une assemblée de 11 électeurs. Chaque électeur classe les 3 solutions possibles par ordre de préférence. On obtient :

    4 fois le classement S1, S3, puis S2,
    3 fois " " S2, S1, puis S3 et
    4 fois " " S3, S2, puis S1.

    La majorité étant de 6, il n'y a pas de "vainqueur" à la majorité.
    On a donc recours aux préférences:

    S1 surclasse S3 7 fois,
    S3 " " S2 8 fois et
    S2 " " S1 7 fois.

    Ce qui ne résout pas notre problème et est même paradoxal puisque S1 surclasse S3 qui surclasse S2 qui lui même surclasse S1 ..... ( S1 > S3 > S2 > S1 > S3 ......) !!!

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    SH & MP le 08/06/1999