L'outil appelé "Feed-Back" (ou boucles de rétroaction) a pour but d'améliorer l'organisation du système de gestion de production en intervenant sur le flux d'informations.
La méthode SADT poursuit le même type d'objectif.
C'est vers 1950 qu'eurent lieu les premières applications
systémiques dans le domaine industriel. Cette approche des
problèmes, différente de celle autorisée par l'analyse
cartésienne, permit d'aborder la complexité sans cesse
croissante de l'environnement industriel.
Depuis, de nombreuses méthodes ont été développées en
s'appuyant sur la démarche systémique. Citons entre autres :
Parmi les grands courants de la systémique, la branche "cybernétique" étudie surtout le flux d'informations et, actuellement, s'applique à tous les domaines de la gestion.
Cet outil, que l'on peut considérer comme
"conceptuel", est particulièrement difficile à
étudier. Le lecteur doit bien garder à l'esprit que la
systémique, et donc ses applications, sont souvent considérées
comme une "nouvelle culture".
Il est d'ailleurs vivement conseillé de compléter l'étude de
ce chapitre en se référant aux clefs page 267 et à la
bibliographie.
Rappelons les principales définitions liées à l'approche
système, c'est-à-dire la systémique :
Cet outil ne concerne qu'une partie de la démarche
cybernétique : celle qui permet d'améliorer le système
entreprise d'un point de vue de la communication, c'est-à-dire
l'aspect organisation des flux d'informations.
Les principaux domaines d'utilisation sont :
La principale contrainte d'utilisation, pour une entreprise,
est de connaître sa politique à moyen et long terme,
c'est-à-dire sa stratégie. Dans le cas contraire une analyse
préalable du besoin (voir page 17) permettra de l'obtenir
de façon rigoureuse.
Enfin, le travail en groupe est recommandé, afin d'augmenter
l'objectivité de l'analyse.
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Avant d'aborder par l'exemple la méthodologie, nous allons passer en revue certaines étapes de la démarche, en mettant en évidence les particularités liées aux axiomes et aux principes de la systémique.
Etape 1 : Comprendre le système étudié
a- Niveau de définition
Pour bien "comprendre" un système, il faut
déterminer les limites physiques de sa structure. De plus, comme
le système étudié est en général un sous-système de
l'entreprise, il faut le situer par rapport au système global.
Pour cela, la technique que nous utiliserons est celle du cône
de définition dont voici le principe :
La technique du Cône de définition consiste à définir globalement la structure de l'entreprise (le niveau zéro de définition ou niveau supérieur) puis à descendre, de niveau en niveau, jusqu'à atteindre celui du sous-système considéré qui contient l'élément de l'étude.
Ce que l'on peut visualiser par le graphique suivant :
Attention, cette méthode peut être dangereuse si l'on ne tient pas compte du principe de "totalité".
b- Stratégie
Le principe de totalité est que la somme des optimums
locaux n'est pas l'optimum du système global
Ce principe de la systémique met en évidence que plus
l'étude sera partielle, plus elle risque d'être inexacte. C'est
pourquoi il faut toujours partir du système le plus général
possible, soit l'entreprise dans notre cas, et descendre
progressivement vers l'élément qui nous intéresse tout en
gardant comme objectif l'optimum global. Et c'est ici
qu'intervient la notion de stratégie. En effet, si l'on veut, à
tous les niveaux de l'étude et de l'entreprise, s'organiser pour
atteindre l'optimal global, il est préférable de l'avoir
exprimé sous forme de stratégie.
La stratégie du niveau zéro sera la même tout au long de
l'analyse descendante.
Etape 2 : Modéliser la structure du
système
Il convient maintenant de choisir avec pertinence les éléments
du système sans viser une connaissance exhaustive ni réduire la
variété en vue de simplifier. Pour ce travail l'analogie avec
une structure de l'entreprise est possible, et d'une façon
générale, toute analogie, en systémique, est recommandée.
La validité d'un schéma, d'un modèle, dépend de l'usage
que l'on veut en faire et par conséquent du besoin qui l'a
dicté.
Pour mener à bien cette schématisation, il faut raisonner
en fonction de la stratégie. En effet, la schématisation d'un
système n'est pas unique, et le choix d'une représentation
plutôt qu'une autre doit se faire en fonction du but. A
l'instant où le schéma sera au point, il deviendra
"modèle" puisque support privilégié de toute
réflexion future.
Au cours de l'étude, la structure du modèle peut s'avérer
inadaptée, il faudra alors reprendre l'étude à cette étape 2.
Mais attention, dire que la structure n'est pas bonne ne signifie
pas obligatoirement que l'implantation physique des services soit
à remettre en cause, mais simplement que la modélisation soit
changée.
Etape 3 : Reporter les flux
En systémique, on dit qu'un flux qui entre, qui
commande, est une consigne et un flux qui
sort un résultat.
Sur le schéma, seuls seront reportés ceux relatifs au problème
à résoudre c'est-à-dire, dans notre cas, les flux
d'informations. La façon de dessiner les flux est laissée au
libre choix de l'utilisateur de l'outil que guidera l'objectif de
l'étude.
Etape 4 : Rendre le système observable
Un système est observable si l'observation d'un
résultat permet de définir la consigne de façon
unique.
S'il n'est pas possible d'observer le résultat d'une consigne,
une commande de pièces par exemple, toute gestion devient
impossible. Il faut donc pouvoir observer, contrôler l'activité
de l'entreprise, ou d'un secteur particulier de celle-ci, afin
que le gestionnaire puisse adapter, modifier ses consignes et ses
décisions en fonction des résultats.
Etape 5 : Installer les feed-back
L'installation de rétroactions ou feed-back ou retour
d'informations, doit permettre à l'entreprise de s'autoréguler,
de s'auto-contrôler, de se stabiliser par rapport à ses
objectifs, sa stratégie. Ainsi le gestionnaire n'aura pas à
courir d'un secteur à l'autre pour assurer la bonne marche de
l'entreprise : elle fonctionnera "toute seule".
On peut distinguer trois types de boucle de rétroaction :
On montre en cybernétique que les conséquences indirectes de
l'installation de boucles de régulation sont d'augmenter
l'observabilité et souvent d'augmenter les performances.
L'informatique peut être un atout important, pour la mise en
place des feed-back, en réduisant à zéro les papiers et les
délais d'acheminement.
Mise en garde :
La rédaction complète d'un petit exemple prendrait 10 à 20
pages. Il est donc hors de propos de développer complètement
nos exemples, et le lecteur ne s'étonnera pas que de nombreuses
possibilités du problème ne soient pas abordées ou menées à
leur terme.
Une entreprise de mécanique conçoit et fabrique des pompes
immergées qu'elle vend sur catalogue avec possibilité de
personnaliser le mode de fixation. Elle produit également des
pompes sur mesure.
Voici les différents services :
Le nouveau gérant désire améliorer le flux d'informations de la fonction technique (système BE-Bdm-Atelier) et crée, dans ce but, un groupe d'études.
Etape 1 : Comprendre le système étudié
a- Niveau de définition
Tout d'abord, analysons "le système entreprise".
Si nous travaillons par analogie avec la structure des services,
nous trouvons au premier niveau de définition le service
commercial et les services BE, Bdm et atelier qui intéressent
justement le gérant. Il est donc inutile de poursuivre l'analyse
descendante.
b- Stratégie
La stratégie de la société est de satisfaire le client au
niveau de la qualité des pompes et de leurs délais d'obtention.
c- Performances
Au moment de l'étude voici les performances de l'entreprise
en termes de stratégie :
Qualité :
Délais :
d- Objectifs
Bien sûr, les objectifs sont définis suivant les deux
grands axes de la stratégie (Qualité et Délais) mais aussi en
fonction des résultats. Ils sont donc à redéfinir
régulièrement.
Qualité : faire baisser le % de rebut
Délais : faire baisser les retards dus aux surcharges
Etape 2 : Modéliser la structure du
système
La première représentation qui vient à l'esprit est,
bien sûr, celle obtenue par analogie avec la structure des
services de l'entreprise. Mais le groupe pluridisciplinaire,
organisé dans le but de l'étude, met en évidence
l'impossibilité, dans cette entreprise comme dans beaucoup
d'autres, de dissocier le Bdm de l'atelier (conception des
outillages, lancement et suivi de la production, etc.). L'analyse
va donc se faire sur une structure plus simple et plus réaliste,
celle des tâches :
Tout modèle pouvant être remis en cause, aucun ne pourra être admis comme définitif.
Etape 3 : Reporter les flux¶
Nous nous limiterons à l'étude du sous-système
"Technique". Nous allons, pour chaque élément du
système, rechercher les consignes et les résultats :
Elément |
Consigne |
Résultat |
Syst. de
Conception |
Dossier de
commande |
Dessins de
définition |
ce que l'on peut représenter schématiquement par :
On peut noter que la nature du flux change en traversant chaque élément : le flux est d'abord une information commerciale (la commande du client), ensuite des documents techniques (les plans de définition) et enfin des matières (les pompes).
Remarque :
Une étude orientée sur l'aspect économique, aurait donné :
Elément |
Consigne |
Résultat |
Syst. de
Conception |
Coût
objectif |
Coût
prévisionnel |
Etape 4 : Rendre le système observable
Comme la GPAO de type MRP regroupe les pièces et les commandes
pour lancer des lots économiques, il est impossible en observant
les pompes en cours de fabrication ou finies (résultat) de les
attribuer à un et un seul dossier de commande (consigne). Par
conséquent, le système n'est pas observable.
Si nous nous intéressons aux deux sous-systèmes, celui de
conception est observable puisqu'il existe un dossier par
commande qui contient les dessins de définition standards et
spécifiques. Quant à celui de production, il ne l'est pas,
puisqu'il utilise la gestion MRP.
Pour rendre observable la GPAO, il suffit de la reprogrammer afin
qu'elle ne regroupe pas les commandes et ne lance que les
quantités commandées. Ces possibilités sont disponibles sur de
nombreuses GPAO-MRP par les options :regroupement nul et
quantité économique égale à un. Cela revient d'ailleurs à
gérer à la commande. Le système est maintenant observable et
l'on peut contrôler globalement ses activités.
Etape 5 : Installer les feed-back
En installant des boucles de rétroaction ou feed-back,
nous devons tout d'abord contribuer à augmenter la stabilité de
cap vers l'objectif. Cette notion est appelée "ultra
stabilité" en cybernétique. La prise d'informations se
fait toujours sur la sortie du système étudié. Pour notre
exemple, il y a trois types de boucles évidentes :
La boucle B3 sera une auto-régulation du sous-système de production alors que B2, qui est un feed-back inter-module, stabilisera le système. Quant à la boucle B1 elle permettra de contrôler les dérives.
Globalement il est inefficace, voire impossible, de faire remonter toutes les informations concernant les résultats de la production. Il faut donc filtrer l'information. Pas question, pour B2 par exemple, de remonter les caisses de pièces au BE, ni même tout le dossier d'industrialisation ! Une représentation plus complète de B2 est :
Le filtre installé sur la boucle de feed-back doit
permettre au système de se mettre en "ultra
stabilité" par rapport à la stratégie ou les objectifs.
Le groupe de travail doit donc rechercher les données, les
variables, les documents les plus adaptés et définir un filtre
réaliste qui puisse mettre le système en autocontrôle,
c'est-à-dire en "pilotage automatique" vers l'objectif
de l'entreprise. Voici les résultats partiels obtenus pour
l'exemple :
FEED-BACK B3
C'est l'objectif délai qui est pris en compte et notamment le
fait que les commerciaux sont obligés de descendre à l'atelier
pour "accélérer" les commandes en retard.
Filtre B3 : le nombre et le type de pompes des commandes
en retard seront affichés au jour le jour.
FEED-BACK B2
Une recherche du groupe permet de mettre en évidence que le BE
n'est pas toujours conscient des difficultés d'usinage de
certaines formes, aussi le filtre est défini dans l'optique
qualité comme suit :
Filtre B2 : les documents à remonter au BE seront les
dessins de définition des pièces rebutées à cause de
difficulté d'obtention de forme, avec indication en rouge du
problème et du nombre de rebuts.
FEED-BACK B1
Le ratio : Temps prévu / Temps réel, est un filtre synthétique
pour les délais. En effet il est indépendant du type de pompe
produit. Aussi, c'est un excellent indicateur qui doit faire
partie du tableau de bord du gestionnaire.
Filtre B1 : le ratio Temps prévu sur temps réel sera
calculé pour chaque commande et retourné au gestionnaire.
Quelque temps plus tard, voici le bilan de l'étude :
Devant des résultats aussi favorables, et compte tenu de l'investissement quasi inexistant, l'entreprise décide de continuer à utiliser l'outil "feed-back".
6.2 Exemple FEED-BACK 2
Le gérant de l'entreprise ayant beaucoup de difficultés à suivre les activités du secteur de la production (Bdm+Atelier), il décide de piloter un groupe qui améliorera la circulation des informations de ce sous-système.
Etape 1 : Comprendre le système étudié
Puisque nous avons déjà étudié le premier niveau de
définition de l'entreprise à l'exemple précédent, les
limites, stratégie et objectifs sont déjà connus. Bien sûr,
nous repartons du système amélioré (voir exemple 1) afin de
pouvoir faire l'analyse descendante tout en restant fidèle au
principe de totalité.
Etape 2 : Modéliser la structure du
système
Nous prendrons notre analogie avec la structure du travail. Le
groupe détermine donc un graphe représentant cette structure de
tâches :
Nota : Dans le groupe, chacun doit comprendre et accepter que d'autres puissent "voir" le même système de manière différente ; le modèle adopté est donc souvent un compromis.
Etape 3 : Reporter les flux
En possession du dessin de définition, un technicien
détermine la chronologie des opérations à partir d'une gamme
type. Puis il décrit plus précisément le processus sur des contrats
de phases. Il les transmet à la gestion de production et à
l'atelier. Les phases les plus complexes, qui nécessitent une
étude particulière (programmation CN 3D, par exemple), sont
confiées à un spécialiste qui fournira à l'atelier la fiche
programme. Le gestionnaire de production "entre"
les phases dans la GPAO et les planifie. Il obtient les OF,
ou ordres de fabrication, ainsi que les OA ou ordres
d'approvisionnement en outillages spécifiques et standards.
L'atelier est informé de leur présence grâce aux BL, ou
bons de livraison. Enfin l'atelier dépose au magasin les pompes
finies et renvoie un "feed-back" à la GPAO (suivi
des temps). L'ensemble de ses flux d'informations doit être
représenté sur le schéma :
Etape 4 : Rendre le système observable
Nous allons étudier les modules qui composent ce système de
production en commençant par le système atelier.
L'atelier est commandable, mais par plusieurs consignes :
Un élément, un module qui reçoit des consignes
redondantes est un centre de décision.
Pour notre application, supposons que l'on retrouve, par
exemple, la quantité sur les quatre consignes. L'atelier devient
un centre de décision puisque le chef d'atelier doit vérifier
que la quantité indiquée sur les différents documents est bien
la même, et si ce n'est pas le cas, prendre une décision
(CQFD).
L'observabilité est bonne puisque les pompes sont attribuées à
une commande (cf. exemple 1).
Pour rendre ce sous-système plus observable il suffit d'informer
le chef d'atelier de son rôle de décideur. Ainsi, est-ce à lui
que revient la tâche de vérifier si tous les documents sont
conformes entre eux. L'enquête du groupe de travail l'amène
d'ailleurs à s'apercevoir que les 4% de rebuts qui restent
après la première étude proviennent, pour une partie, de la
non-conformité de certains documents (la GP a inversé deux
phases interchangeables pour avoir un meilleur planning, l'étude
de phase a amené une modification de la prise de pièce, la
réalisation de l'outillage n'a pu être faite comme prévu,
etc.).
Etape 5 : Installer les feed-back
L'installation d'un feed-back au moins, est conseillé. Il s'agit
de boucler la sortie sur l'entrée, c'est à dire, d'informer le
préparateur des gammes de la réalité de la production. Voici
une définition possible du filtre :
FILTRE DU FEED-BACK B4
Le chef d'atelier retournera au préparateur tous les documents
non conformes au contrat de phase en entourant en rouge ce qui
diffère.
Filtre que l'on a représenter sur le schéma :
Il est fort à parier que ce filtre permettra également de
faire baisser le pourcentage de rebuts et ainsi le "zéro
défaut" peut devenir une réalité. De plus, ce filtre va
permettre de tenir à jour les gammes types et donc, d'augmenter
la mémoire de "savoir-faire" de l'entreprise, ce qui
est extrêmement important dans le cas d'une nouvelle embauche
par exemple.
Il reste d'autres filtres moins généraux à installer mais
déjà le groupe doit s'interroger sur le fait que l'atelier
"tourne" mieux depuis l'installation du filtre B3 (voir
exemple 1) :
Filtre B3 : le nombre et le type de pompes des commandes
en retard seront affichés au jour le jour.
Et ce, malgré une baisse des ratios de productivité .... Est-ce
normal ? Une nouvelle étude est donc à envisager. Comme notre
cône de définition est arrivé au niveau de l'unité de
production, nous reportons le lecteur au modèle systémique d'un
atelier : OPTTM (voir page271, 223), qui
continue l'analyse descendante jusqu'à la machine.
Tout au long de l'étude de cet outil, nous avons découvert
une partie de la démarche systémique que Stafford Beer nomme la
"cybernétique de gestion" et qui est bien adaptée à
la gestion de production notamment pour en faire le diagnostic.
Nous avons vu qu'optimiser le système passait par l'augmentation
de l'observabilité et que l'installation d'un feed-back avait
toujours de nombreux effets positifs sur l'entreprise. L'objectif
à long terme des boucles de régulation est de mettre le
système entreprise en état "d'ultra stabilité",
c'est-à-dire de lui permettre de se recaler automatiquement sur
ces objectifs ou sa stratégie.
Quand l'étude a réussi, l'entreprise est dotée d'une meilleure
structure de contrôle dont elle connaît les modèles à chaque
niveau de hiérarchie. Les gains peuvent être chiffrables :
augmentation du chiffre d'affaires, mais le plus souvent ils
s'évalueront en fidélisation de la clientèle, diminution du
stress dans les services, efficacité accrue des politiques à
long terme. En un mot : meilleure organisation.