L'outil appelé "GANTT" a pour but de visualiser l'utilisation des ressources dans le temps. Il permet également, en jouant sur des antériorités partielles, de compresser les délais.
C'est au début de ce siècle qu'un collaborateur de Taylor, Henry L. Gantt, mit au point la représentation murale d'un planning des tâches. Depuis l'industrie utilise toujours son diagramme, afin d'afficher les résultats d'une planification ou pour raisonner sur des problèmes d'utilisation de ressources.
Les méthodes "PERT" et "MRP" permettent
de planifier les tâches en supposant les ressources disponibles.
Dans le cas contraire : nombre limité de machines,
sous-traitance impossible, ..., il faut vérifier sur un
diagramme de Gantt la disponibilité des moyens, des ressources.
D'autre part, si les contraintes d'antériorités peuvent être
définies partiellement sur les tâches, le Gantt permet de
compresser le délai par les techniques de chevauchement, de
recouvrement, ou de fractionnement. Par exemple, si une phase
d'usinage nécessite plusieurs jours, il n'est peut-être pas
nécessaire d'attendre la fin de la série pour entamer
l'opération suivante.
Si cet outil est le seul qui permette de gérer l'utilisation des
ressources, il est malgré tout limité :
On peut estimer à 20 le nombre de ressources qu'une personne à plein temps peut traiter et mettre à jour. Si le planning est relativement standard ou répétitif, il est possible d'ordonnancer jusqu'à 50 ressources par homme et par mois. L'assistance informatique devient donc rapidement obligatoire, sans toutefois apporter de solution miracle.
|
Nous reprendrons l'exemple traité avec l'outil
"PERT" page 135 Dans ce problème, volontairement
élémentaire, nous analyserons l'ensemble des tâches
d'industrialisation d'un article nécessitant une étude de gamme
et la conception d'un petit montage.
Pour étudier le dossier et établir la gamme de fabrication, le
technicien en méthode a besoin de deux jours. Ensuite, il
fournira au dessinateur le schéma de principe du montage, afin
que celui-ci le dessine (durée sept jours). Une fois défini, le
montage sera transmis à l'atelier d'outillage pour la
réalisation (durée huit jours). En parallèle, le service
commercial doit passer la commande pour l'outillage non-standard
(une journée). Le délai de livraison de cet outillage est de
neuf jours (que nous affecterons au service "Magasin"
pour la représentation.
Etape 1 : Définir l'ordonnancement théorique
S'agissant d'un projet, l'ordonnancement théorique peut être déterminé par l'outil "PERT". Nous obtenons :
Calendrier définitif du projet |
|||||||
Repère |
Désignation |
d |
DTO DTA |
FTO FTA |
mi |
Service |
|
A |
Etudier le dossier |
2 |
01Fév88 |
03Fév88 |
0* |
Méthodes |
|
B |
Dessiner le montage |
7 |
03Fév88 |
12Fév88 |
0* |
Etudes |
|
C |
Réaliser le montage |
8 |
12Fév88 |
24Fév88 |
0* |
Atelier |
|
D |
Commander l'outillage |
1 |
03Fév88 |
04Fév88 05Fév88 |
0 |
Secrét. |
|
E |
Recevoir l'outillage |
9 |
05Fév88 |
18Fév88 24Fév88 |
0 |
Magasin |
Etape 2 : Tracer le GANTT de ressource
Pour tracer un diagramme de Gantt, il suffit de tracer un
repère dont la ligne horizontale représente le temps. On
reporte ensuite, pour chaque ressource, une parallèle à cet axe
et l'on choisit une échelle compatible avec la taille de la
feuille et la valeur du délai.
Pour notre exemple, nous avons un délai de 17 jours. En prenant
une colonne comme représentation d'une demi-journée de travail,
le diagramme tient sans problème sur un format standard
"A4" :
L'affectation d'une ligne à une ressource ne se fait pas au
hasard. En effet il faut essayer de classer les ressources, afin
de suivre le plus facilement possible le projet. Si ce classement
n'est pas évident, il faut recourir à un outil comme la
méthode des potentiels (voir page 121). Ici le projet
"monte", les tâches critiques étant regroupées vers
le bas du graphe.
On reporte ensuite l'ordonnancement théorique en commençant par
les tâches critiques et en respectant les ressources utilisées.
Cela peut amener le gestionnaire à repousser une tâche si la
ressource n'est pas disponible : le délai du Gantt est alors
plus long que celui prévu en théorie.
Commençons par jalonner le chemin critique A,B et C :
Nous remarquons ici un diagramme de Gantt très
"informatisé" : le logo choisi pour représenter
chaque tâche peut être édité sur une imprimante classique.
L'autre alternative est d'utiliser une représentation plus
graphique et en couleurs. Cette deuxième possibilité se
justifie pleinement si le graphe est élaboré à la main et doit
être affiché pour information.
Dans le cadre de ce livre, nous utiliserons généralement le
Gantt "informatique" et jouerons sur l'alternative
majuscule-minuscule pour mettre en évidence notre propos.
Reprenons notre exemple et reportons sur le graphe les autres
tâches et leurs marges symbolisées par des tirets :
La lecture de l'échelle des temps peut paraître "cabalistique" au lecteur n'ayant pas l'habitude des sorties informatiques : il faut lire la date verticalement. Ainsi lisons-nous sur la première colonne "01Fév" et sur la dernière "24Fév".
Etape 3 : Si besoin compresser le chemin critique
La concurrence traite ce genre de dossier en 14 jours seulement. Il faut donc réagir et compresser le délai, quitte à augmenter les difficultés de gestion. Nous allons utiliser une technique appelée indifféremment chevauchement ou recouvrement. Elle consiste à reconsidérer les contraintes d'antériorités de façon plus fine, ce que nous allons faire pour notre exemple.
Le chevauchement permet de compresser le délai, mais alourdit la gestion
A la fin de la première journée, le technicien en méthode aura déjà dégagé les grandes lignes de la gamme et connaîtra le type de montage d'usinage nécessaire. Le dessinateur d'étude peut donc commencer à définir le montage d'usinage. Le lendemain soir, il disposera d'ailleurs du dossier définitif et pourra affiner son étude. Au bout de trois jours, les grandes lignes du montage seront élaborées et certaines parties seront peut-être complètement définies. L'atelier peut donc, sans grands risques, commencer les débits et les ébauches. Trois jours plus tard, le essin sera terminé et les finitions pourront être entamées.
Le délai passe donc à 12 jours, soit un gain de 30% . La concurrence avec 14 jours n'est plus un problème. Toutefois, le projet sera beaucoup plus difficile à gérer. Le gestionnaire devra être sur le terrain pour assurer la bonne synchronisation des tâches. Il devient même possible de créer une nouvelle ressource nécessaire au projet : celle correspondant au gestionnaire !
Etape 4 : Repositionner les marges
Il faut maintenant vérifier si les autres tâches ne sont pas devenues critiques et éventuellement les faire se chevaucher afin de dégager de la marge :
Les tâches D et E sont devenues elles aussi critiques, problème qui apparaît souvent si le pourcentage de recouvrement est important. Le gestionnaire peut garder cette planification ou pratiquer le chevauchement sur les tâches D et E, afin de dégager une marge. Dans les deux cas, la surveillance du projet devient une tâche à part entière et doit être indiquée sur le diagramme (*) :
Nous allons maintenant aborder le cas de la planification d'atelier en prenant comme exemple la production de 24 bloc-moteurs dans une entreprise qui traite régulièrement cet article.
Etape 1 : Définir l'ordonnancement théorique
La consultation de la base de données (écrite ou informatique) nous permet d'avoir la nomenclature :
et les gammes :
Pièce |
N° Phase |
Désignation |
Poste |
Temps
prépa |
Temps
unitaire |
Culasse |
10 |
Usinages
face Z |
FrCN |
30 |
5 |
Chapeau |
10 |
Usinages face Z |
FrCN |
30 |
10 |
Bloc |
10 |
Pré-assemblage |
Mont. |
0 |
20 |
On peut donc déterminer les temps pour cette commande de 24 blocs :
Repère |
Désignation |
Temps pour la série |
A |
Culasse phase 10 |
30 + 24×05 = 150min soit 2,5 h |
B |
Culasse phase 20 |
60 + 24×30 = 780 min soit 13 h |
C |
Chapeau phase 10 |
30 + 24×10 = 270 min soit 4,5 h |
D |
Bloc phase 10 |
0 + 24 × 20 = 480 min soit 8 h |
Les temps de transit inter-postes étant de l'ordre de cinq minutes, ils seront négligés dans notre étude.
Etape 2 : Tracer le GANTT de ressources
Commençons par tracer la trame en faisant "monter" les pièces :
et reportons les gammes :
Le délai est donc de 23.5 h si, comme nous l'avons supposé, les machines sont disponibles.
Etape 3 : Si besoin compresser le chemin critique
Nous avons vu que le chevauchement permettait de réduire le
délai dans le cas d'un projet. Comme la nature des tâches est
différente entre le projet et la planification d'atelier, il
faut se garder d'appliquer cette technique sans prendre des
précautions particulières. La principale différence avec
l'exemple précédent est la DEPENDANCE des tâches entres elles.
En effet l'opération B s'effectue sur une pièce qui doit avoir
subi l'usinage A. Cette non-indépendance des tâches est due au
fait qu'il y a un flux physique (les pièces) qui n'existe pas
dans le cas d'un projet.
Comme la séquence de réglage ne nécessite pas la présence des
pièces et ce même en processus d'usinage, il est possible de
chevaucher du temps de préparation (noté "+") sans
aucun problème :
Le délai s'est peu réduit (1h gagnée) du fait de l'importance des temps unitaires par rapport aux temps de préparation.
Etape 4 : Repositionner les marge
L'ensemble du Gantt a peu bougé. Pour obtenir une réduction plus importante du délai, il faudrait recouvrir les temps d'usinages. Etant donné le caractère fini des pièces en production, il est, sinon impossible, du moins déconseillé de les chevaucher. Nous allons donc recommencer les étapes 3 et 4, mais avec une autre technique, bien plus adaptée à la planification d'atelier : le fractionnement.
En production, il faut fractionner et non chevaucher
Etape 3' : Si besoin compresser le chemin critique
Le fractionnement consiste à scinder la quantité à produire en plusieurs lots. Nous les appellerons "lots de transfert", si la machine n'est pas déréglée entre deux passages de pièces, et, "lots de fabrication" dans l'autre cas. Jalonnons, par exemple, cette série en trois lots de huit ensembles, et commençons tout naturellement par le premier lot :
Nous pouvons remarquer que l'ordonnancement de ce premier lot ne pose pas de problème et qu'il conserve la même allure que le précédent.
Etape 4' : Repositionner les marges
La tâche "C" a une marge de près de 2 heures, ce qui la prémunit contre les aléas : elle sera donc toujours terminée pour le début de l'assemblage "D". Aussi pouvons-nous maintenant jalonner le deuxième lot, noté en minuscules ci-après, puis le troisième. Pour cela, dupliquons simplement le premier Gantt deux fois :
Le délai global passe à 15.5 heures, soit un gain de plus de 30% par rapport au jalonnement initial et, contrairement au chevauchement, si le gestionnaire triple le nombre de bons de travail (ou autres suivant les entreprises : bons de transfert, OF, ...), il n'a pas besoin de suivre la production sur le "terrain.
Pour terminer notons que :
Nous avons vu comment, grâce au Gantt des ressources, il
était possible d'obtenir un planning réaliste et performant.
Nous avons également mis en évidence que la compression du
délai par le chevauchement amenait en contrepartie un travail de
gestion plus important dans le cadre d'un projet.
Au cours du deuxième exemple, nous avons mis en évidence les
points-clefs de la planification à capacité finie d'un atelier
de production. Il est intéressant de continuer l'analyse de la
dernière solution proposée sous un angle plus général, plus
économique :
On peut noter que le premier lot de pièces est disponible au
bout de 7 heures. En considérant que le jalonnement commence le
lundi matin et qu'une journée de travail permet 7h de
production, le premier lot peut être livré le lundi soir, le
deuxième lot le mardi soir et le dernier le mercredi soir. Si le
service commercial sait tirer avantage de cette possibilité et
livre également par lot, le délai apparent pour le client passe
à 1 jour ! De même si l'approvisionnement se fait par lot, le
niveau d'encours devient trois fois moins élevé. Les
conséquences indirectes de tout ceci sont un besoin moindre en
trésorerie et une utilisation plus régulière des machines.
On peut donc affirmer que
Le fractionnement permet de réduire les
délais et les en cours :
c'est donc la clef du "zéro délai" et du "zéro
stock".
Nous avons vu les conséquences très appréciables pour les entreprises de la production en petit lot, notamment sur l'objectif qualité : zéro délai et zéro stock. Ce dernier point, qui a comme corollaire que le taux de rotation des stocks augmente, est certainement le plus important pour que l'entreprise reste concurrentielle.
8. POUR ALLER PLUS LOIN