L'objectif de cet outil est de permettre d'ordonnancer, de hiérarchiser, de classer un très grand nombre de tâches en fonction de contraintes d'antériorité ou de succession qui peuvent évoluer.
On repère la méthode des potentiels par les initiales MP ou
MPM (Méthode des Potentiels Métra).
Cet outil peut être également utilisé à la place :
Jusqu'en 1955, les praticiens de l'ordonnancement ne
disposaient guère que du célèbre "diagramme de
Gantt" sur un tableau mural. La complexité de gestion de ce
type de tableau amena les chercheurs en recherche opérationnelle
(R.O.) à appliquer au planning la théorie des graphes.
Deux méthodes furent simultanément mises au point :
De par la notoriété des USA, ce fut d'abord la méthode américaine qui s'imposa en gestion de projet :
mais la souplesse de la méthode française, notamment lors de
l'informatisation de l'outil, fut un atout non négligeable pour
les industriels (chefs de projet et décideurs).
Depuis 1980, l'informatique aidant, l'outil "MP"
connaît un succès grandissant. Actuellement, on l'utilise même
pour des projets de quelques minutes, une phase d'usinage par
exemple.
Cet outil s'adapte à tout problème décomposable en tâches,
elles-mêmes soumises à des contraintes.
Il est particulièrement performant lorsque le nombre de tâches
est élevé et que les contraintes risquent d'évoluer. Pour les
cas très simples, on lui préférera l'outil "PERT"
(page 135), qui est beaucoup plus visuel.
Les domaines d'utilisation sont :
Le terme de "tâche" peut donc être remplacé par :
Tout au long de l'étude, nous utiliserons comme terme générique le mot "tâche".
Les contraintes peuvent être de deux types :
en revanche, ne sont pas prises en compte les contraintes de type cumulatif (les tâches p et q ne peuvent pas être effectuées en même temps).
|
Nous avons pris les mêmes données pour le premier exemple des outils :
afin de faciliter la compréhension des différentes méthodes utilisées. Ainsi, s'il le désire, le lecteur pourra visualiser de différentes manières le problème. C'est dans ce dessein que l'on trouve la double notation :
Dans ce premier exemple, volontairement élémentaire, nous
analyserons l'ensemble des tâches d'industrialisation d'un
article nécessitant une étude de gamme et la conception d'un
petit montage.
Pour étudier le dossier et établir la gamme de fabrication, le
technicien en méthode a besoin de deux jours. Ensuite, il
fournira au dessinateur le schéma de principe du montage, afin
que celui-ci le dessine (durée sept jours). Une fois défini, le
montage sera transmis à l'atelier d'outillage pour la
réalisation (durée huit jours). En parallèle, le service
commercial doit passer la commande pour l'outillage non-standard
(une journée). Le délai de livraison de cet outillage est de
neuf jours.
Etape 1 : Définir et repérer les tâches
A partir de la description précédente, nous pouvons repérer les tâches et établir une liste récapitulative :
Repère |
Description de la tâche |
Valeur |
A |
Etudier le
dossier |
2 jours |
Le but de cette liste est de permettre de n'utiliser que les repères des tâches dans la suite de l'étude (la colonne "valeur" est donc facultative).
Etape 2 : Déterminer les antériorités
Cette étape est la plus critique, car le choix des antériorités influence directement le résultat : tout le travail se fait ici. On reporte donc pour chaque tâche les antériorités directes et si besoin, une justification qui peut n'être qu'une simple hypothèse de travail.
Repère |
Description de la tâche |
Valeur |
Tâches antérieures |
Justifications |
A |
Etudier le
dossier |
2 j |
- |
On commande les outils avant d'avoir dessiné le montage. |
Ce tableau est la trace visuelle de la démarche de l'utilisateur. Avec l'habitude, on peut directement reporter les antériorités sur le tableau obtenu à l'étape 3, mais cela ne doit pas masquer l'importance du choix des contraintes.
Etape 3 : Préparer le tableau
La méthode est fondée sur l'emploi d'un tableau composé d'une suite de cases dont voici la structure :
Repère de
la tâche |
|
Colonne1 |
Colonne 2 |
Il faut créer une case par tâche. Chaque case est elle-même subdivisable en quatre parties :
Pour formaliser un problème, il est important de noter qu'il existe deux tâches fictives qui sont respectivement :
Logiquement, nous attribuerons à ces deux tâches une valeur
ou une durée nulle et pour la première ("-") un cumul
ou un début au plus tôt égal à zéro.
Si une tâche n'a pas d'antériorité, on lui affectera
automatiquement celle de début notée "-" dans le
tableau.
Revenons à notre exemple, traçons une suite de cases suivant le modèle et reportons-y les données. Pour chaque tâche, on peut reporter son repère, sa valeur (ici la durée exprimée en jours) et ses antériorités :
A 2 |
B 7 |
C 8 |
D 1 |
E 9 |
FIN |
||||||||||||||
- |
A |
B |
A |
D |
|||||||||||||||
Les cases supplémentaires permettront de rajouter des tâches
sans avoir à redessiner le tableau. De même, la hauteur des
colonnes permettra de rajouter des contraintes. Cette forme de
tableau est donc particulièrement souple et reste très pratique
avec un grand nombre de tâches.
Avant de commencer le calcul, il faut également reporter les
durées des tâches et se souvenir que, par convention, la tâche
début (-) est de valeur nulle (d=0) et n'a pas de cumul (dto=0)
:
A 2 |
B 7 |
C 8 |
D 1 |
E 9 |
|||||
0 | -0 | 0 | A2 | 2 | B7 | 0 | A2 | 2 | D1 |
Ce tableau contient toutes les données et hypothèses de
travail.
Très simple de lecture, il permet au gestionnaire de se
vérifier ou
de se faire contrôler rapidement.
Etape 6 : Faire le calcul itératif
Voici l'algorithme qui permet de faire évoluer le tableau:
REPETER CE QUI SUIT : Si tous les cumuls des antériorités d'une case sont connus : Pour chaque ligne d'antériorités faire la somme de
la valeur et du cumul (d+dto). Fin du si Mettre à jour le tableau en reportant les résultats (dto) JUSQU'AU TABLEAU PLEIN |
Nous allons appliquer cet algorithme n fois de suite au tableau des données:
Pour la tâche A, tous les cumuls des antériorités de la
case sont connus, c'est-à-dire que la zone 2 est connue. Le
cumul de A, ou jour de début au plus tôt, s'obtient donc en
additionnant la valeur (ici d=0) et le cumul (dto=0). On obtient
0 + 0 = 0, ce qui signifie que la tâche A peut commencer au plus
tôt le jour zéro (DTO de A = 0).
On peut remarquer que la première itération se fait toujours
sur la ou les tâches ayant pour antériorité la tâche
"début".
Reportons maintenant ce résultat dans les cases de B et D :
Pour la deuxième itération, les cumuls des antériorités de B et D sont connus, on peut donc effectuer un nouveau calcul :
Puisque la tâche A peut commencer au plus tôt au jour 0 et
qu'elle dure 2 jours, les tâches B et D pourront commencer au
plus tôt le 2ème jour
On reporte le cumul de B dans la case C et le cumul de D dans la
case E, ce qui permet d'entamer l'itération suivante.
Les cumuls de C et E étant calculés, le tableau est complet et l'on peut passer à l'étape suivante.
Etape 7 : Déterminer la fin
Pour déterminer la fin ou le délai dans le cas de la
planification, il suffit de compléter la colonne
"FIN". Si l'on ne connaît pas la ou les tâches
finales, il faut les mettre toutes, comme nous le faisons ici.
Le délai est le cumul de la tâche "FIN". Pour son
calcul, nous sommes dans un cas plus complexe que précédemment,
puisqu'il y a plusieurs lignes d'antériorités dans cette case.
Comme décrit dans l'algorithme, nous reporterons la somme la
plus forte soit, (d+dto) maximum :
0A 2 |
2B 7 |
9C 8 |
2D 1 |
3E 9 |
17 |
FIN |
|||||||||||||
0 |
-0 |
0 |
A 2 |
2 |
B7 |
0 |
A2 |
2 |
D1 |
0 |
A 2 |
||||||||
2 |
B 7 |
||||||||||||||||||
9 |
C 8 |
||||||||||||||||||
2 |
D 1 |
||||||||||||||||||
3 |
E 9 |
La première ligne nous donne 0+2 soit 2 jours, la deuxième
ligne 2+7 soit 9 jours, la troisième 9+8 soit 17 jours, la
quatrième 2+1 soit 3 jours et enfin la cinquième ligne nous
donne 3+9 soit 12 jours. La ligne la plus forte est donc la
troisième avec 17 jours.
Le délai est donc de 17 jours.
Etape 8 : En déduire le chemin critique
Pour déterminer le chemin critique, il faut reprendre le calcul à l'envers, afin de déterminer quelles tâches ont donné ce cumul de 17 jours pour la tâche finale.
Le cumul de 17 a été obtenu à partir de l'antériorité C (9+8). La tâche "C" fait donc partie du chemin critique. Il faut ensuite rechercher comment a été obtenu le cumul (9) de C.
0A 2 |
2B 7 |
9C 8 |
2D 1 |
3E 9 |
|||||
0 |
-0 |
0 |
A 2 |
2 |
B7 |
0 |
A2 |
2 |
D1 |
9 a été obtenu à partir de l'antériorité B (2+7). La tâche "B" est donc le deuxième maillon du chemin critique.
0A 2 |
2B 7 |
9C 8 |
2D 1 |
3E 9 |
|||||
0 |
-0 |
0 |
A 2 |
2 |
B7 |
0 |
A2 |
2 |
D1 |
B nous permet de découvrir A et enfin nous retombons sur la
tâche "début".
De proche en proche, nous avons obtenu tout le chemin critique,
celui qui a donné le cumul de 17 pour la tâche FIN. Les tâches
critiques sont donc:
C , B , A
ou
A , B , C
Dans le cas de la planification, la particularité du chemin critique est que tout retard sur une des tâches le composant se reporte sur le délai.
Prenons des exemples:
0A 3 |
3B 7 |
10C 8 |
2D 1 |
3E 9 |
18 |
FIN |
|||||||||||||
0 |
-0 |
0 |
A 3 |
3 |
B7 |
0 |
A2 |
2 |
D1 |
0 |
A 2 |
||||||||
2 |
B 7 |
||||||||||||||||||
10 |
C 8 |
||||||||||||||||||
2 |
D 1 |
||||||||||||||||||
3 |
E 9 |
En revanche, si la durée de D passe à 2 jours, cela n'a aucune influence sur le délai.
On comprend mieux ainsi le terme de "chemin critique" en planification. Il permet au gestionnaire de mieux suivre le projet, de mieux orienter ses contrôles :
Le premier exemple nous a permis de bien décomposer la
méthodologie et notamment de suivre pas à pas le calcul du
tableau. Pour ce deuxième, nous décomposerons moins les
étapes, mais il ne faut pas oublier que les étapes 1 et 2 sont
les plus décisives, puisqu'elles permettent de bien poser le
problème, donc de bien le résoudre.
Dans le cadre d'une restructuration d'une unité de production,
il est demandé au préparateur des méthodes de "rédiger
la gamme" d'un processus industriel.
Etape 1 : Définir et repérer les tâches
Le technicien établit la liste des principales séquences ou tâches du processus et leur attribue un repère alphabétique (de A à I):
Repère |
Désignation des tâches |
A |
Ligne
d'alésage du ø 32 |
Etape 2 : Déterminer les antériorités
Pour trouver les antériorités de chaque tâche du processus,
le préparateur recherche les contraintes directes et évidentes
en fonction de la technologie utilisée, du cahier des charges
fonctionnel, et du savoir-faire de l'entreprise.
Elles sont ensuite notées sur la liste précédente ou
reportées directement en traçant le tableau de calcul, ce que
nous ferons ici.
Etape 3 : Préparer le tableau
Pour remplir le tableau, nous avons besoin de valeurs pour les tâches. Le but n'étant pas de faire un planning, mais d'établir une chronologie, il faut prendre l'unité (1) comme valeur de chaque tâche.
Pour hiérarchiser, il faut prendre les valeurs des tâches égales à l'unité.
Ce qui donne comme tableau de départ :
A 1 |
B 1 |
C 1 |
D 1 |
E 1 |
F 1 |
G 1 |
H 1 |
I 1 |
|||||||||
F1 |
F1 |
B1 |
F1 |
A1 |
0 |
-0 |
B1 |
D1 |
G1 |
||||||||
A1 |
E1 |
C1 |
|||||||||||||||
I1 |
Etape 4 : Faire le calcul itératif
Nous allons d'abord présenter les résultats des trois premières itérations et commenterons la démarche ensuite :
Légende : En souligné: le calcul du cumul puis en italique: la mise à jour.
Pour la première itération, le calcul commence naturellement
par la tâche qui n'a pas d'antériorité, soit la F dans notre
tableau. Si il y en avait plusieurs, il faudrait les mener en
parallèle. On reporte ensuite le cumul de F en A, B et D, ce qui
débloque le calcul des cases A et B pour l'itération suivante.
A la deuxième itération, on obtient le cumul de A que l'on
reporte en D et E, et le cumul de B que l'on reporte en C et G.
La troisième itération débute sans problème avec les calculs
des cumuls de C, E, et G. Pour la tâche D, il faut reporter le
cumul de la ligne la plus forte :
c'est donc cette dernière qui donne le cumul de D : 2.
Voici maintenant les deux derniers calculs:
Légende : En souligné: le calcul du cumul puis en italique: la mise à jour
Pour la tâche I, nous avons également deux antériorités
et, particularité supplémentaire, les deux lignes donnent la
même valeur. Le cumul de I est donc 3 que l'on reporte dans la
case H.
La dernière itération va permettre de calculer le cumul de H.
Sur les 3 antériorités (D,E et I) c'est I qui donne la plus
forte somme avec 3 + 1 = 4.
Le calcul a abouti, il n'y avait donc pas d'incohérence dans les
données de départ.
Si le calcul itératif se bloque avant que le tableau ne soit rempli, c'est qu'il y a des incohérences dans les antériorités.
Etape 5 : Déterminer la fin
Puisque l'on ne connaît pas a priori la fin du processus, il faut citer toutes les tâches en tant qu'antériorités de "FIN" :
La fin est donnée par la ligne la plus forte, soit ici la
ligne de la tâche H (4+1=5).
Le cumul de la tâche "FIN" est de 5, ce qui permet
surtout de pouvoir repartir à l'envers pour la recherche du
chemin critique. En effet, ici, cette valeur donne simplement le
nombre de niveaux de la hiérarchisation.
Etape 6 : En déduire le chemin critique
A l'étape 5 ci-dessus, nous venons de voir que le cumul de la
tâche "FIN" a été obtenu par l'antériorité H,
c'est donc elle le premier maillon du chemin critique (noté avec
une * dans le tableau).
En partant de H nous découvrons I. Le cumul de I (3) ayant été
obtenu par la ligne G ou la ligne C, il faut parcourir les deux
chemins. Commençons par G:
Le premier chemin critique est : H, I, G, B, F
Repartons maintenant de C (qui donnait également 3 comme cumul
de I), nous aboutissons également à l'antériorité B. Nous
avons donc rejoint le premier chemin critique.
Les tâches critiques sont donc : F, B, C&G, I, H.
(Les tâches C et G sont interchangeables, mais doivent être
entre B et I.)
Dans le cas de la hiérarchisation, la particularité du chemin critique est de définir la chronologie minimale des tâches.
Notons la valeur des cumuls pour ce chemin critique :
Repère de la tâche |
F |
B |
C&G |
I |
H |
Valeur du cumul |
0 |
1 |
2 |
3 |
4 |
et remarquons que la valeur du cumul indique le niveau dans la chronologie. Ceci est toujours vrai pour le chemin critique, en revanche, pour les autres tâches, il faut interpréter le tableau. Prenons pour exemple la tâche D : Elle a un cumul de 2 obtenu par A. Elle ne peut donc débuter que lorsque la tâche A sera finie. Recherchons maintenant si D intervient en tant qu'antériorité pour une autre tâche, c'est-à-dire si D a un descendant. On trouve la tâche H. Ainsi, la tâche D peut se situer n'importe où, entre A et H.
Cela nous amène au fait qu'il n'existe pas une seule gamme, mais plus d'une cinquantaine puisque :
F,B,C,G,I,H
F,B,G,C,I,H
F,A,B, C, G, I, H
F, B,A,C, G, I, H
F, B, C,A,G, I, H
F, B, C, G,A,I, H
F, B, C, G, I,A,H
Le nombre de combinaisons est donc impressionnant et très éloigné de la traditionnelle gamme linéaire (phase 10, 20, 30,...). Le technicien va donc pouvoir étudier la nouvelle organisation de l'atelier avec une souplesse inégalée.
Le premier exemple nous a montré comment utiliser l'outil en
planification. Les outils suivants reprendront ce thème pour
aller plus loin tout en gardant comme base la méthode des
potentiels.
Le deuxième exemple nous a permis de découvrir une utilisation
plus novatrice en tant qu'outil de hiérarchisation pure. Nous
avons vu comment l'élaboration d'une gamme pouvait prendre un
nouvel aspect. Le gestionnaire en sera bien sûr le plus grand
bénéficiaire à l'occasion d'une implantation ou d'une
planification. Il pourra, en effet, faire le choix d'une
chronologie en fonction des contraintes du moment.
Malheureusement il existe, à l'heure actuelle, très peu de
logiciels GPAO qui puissent prendre en compte cette flexibilité.
Mais les logiciels évoluent très vite et peut-être cette
option existera-t-elle en standard d'ici quelques années.
L'apprentissage de la méthode des potentiels demande un effort,
mais une fois acquis, l'outil s'avère très fiable et très
rapide d'emploi. Ainsi remplacera-t-il avantageusement l'outil de
hiérarchisation utilisé par les animateurs de cercle de
qualité ou de groupe d'analyse de la valeur, lequel consiste en
comparaisons multiples suivies d'une affectation de
"poids". Le lecteur trouvera d'ailleurs une trame type
à la fin de l'ouvrage (page 341).
Robert Faure dans son "Précis de recherche opérationnelle" chez Dunod démontre de la page 70 à 79 les avantages de la méthode française sur la méthode américaine.